Réflexions à propos de l’émission : « Ostéopathie, qui nous manipule ? »

- Réflexions à propos de l’émission de la cinq, 20h35, mardi 25 septembre 2012 : « Ostéopathie, qui nous manipule ? »

Cette pratique a les faveurs du plus grand nombre en raison de l’aspect magique du toucher ainsi que du «craquement qui a (soi-disant) remis la vertèbre en place» quand le dos est manipulé. Que les choses soient claires : la vertèbre qui bougerait au moindre faux mouvement est un mensonge. Le jour où c’est le cas, le sujet se retrouve paralysé et bon pour le bloc opératoire ! Le craquement ne signifie en rien que la vertèbre ait bougé, c’est juste un bruit. La vertèbre « pète » (effet de cavitation). – Lire à ce sujet mon livre : « Mal de dos, vérités et mensonges » - D’ailleurs, combien parmi vous se font-ils craquer le dos plusieurs fois par semaine (ou par jour), ce qui donne une fausse impression de soulagement car au fil du temps le mal empire !!!

A l’occasion d’un choc (même émotionnel, même très ancien), d’une maladie, par usure ou vieillissement, surviennent des douleurs rarement insupportables mais lancinantes. Elles proviennent du fait que les articulations présentent d’infimes mouvements gérés par le système musculo-ligamentaire de voisinage qui peuvent gripper. L’esprit et le corps sont conjointement frappés de stupeur. Ils « se bloquent ». C’est cela que traitent les ostéopathes. Il y avait mardi 25 septembre sur la cinq, à 20h45, une émission sur l’ostéopathie, la médecine manuelle la plus en vogue, certains médecins venant témoigner de leur absolu rejet. Or soyons clair : il y a match nul, car aussi bien la médecine que l’ostéopathie ne sont efficaces que si le patient change ses mauvaises habitudes comportementales (mal assis, sédentarité, mauvaise utilisation de son corps). De plus tous les sujets qui ont mal au dos de manière chronique ou des problèmes articulaires aux jambes, ont un mauvais équilibre. S’ils ne rééduquent pas leur équilibre, ils auront beau avaler des anti-inflammatoires, se faire manipuler par un ostéo, avoir recours à la kinésithérapie, à l’acuponcture, etc, rien ne sera efficace à long terme !!! Or l’émission de mardi n’en a absolument rien dit !!!

Se référer à mon prochain livre : « Seniors : on vous ment sur votre santé ! » Grancher Editeur en librairie le mois prochain, ainsi qu’au billet intitulé : « Annonces sensationnelles de la presse : la suite », du 27/04/2012.

Il n’y a pas que l’ostéopathie. Quelle méthode manipulative privilégier :

Il faut différencier celles qui respectent le jeu normal des articulations, de celles qui les forcent.

- Les premières sont douces, on les appelle parfois « fasciathérapies ». Elles s’attachent aux « points-clés », remodèlent. Le praticien se contente de donner «un point d’appui adapté» au bon endroit et à la bonne vitesse pour que les tissus se normalisent et que les articulations qui en dépendent s’ajustent d’elles-mêmes. Il est à noter que l’émotion, les sentiments, s’inscrivent dans les fascias qui composent notre squelette fibreux (tendons, ligaments, aponévroses, tissus d’enveloppement des organes et viscères). C’est comme un livre ouvert sur notre esprit.

- Les secondes forcent l’articulation, vont au-delà du seuil physiologique (amplitude maximum naturelle) comme la chiropraxie ou certaines écoles d’ostéopathie orientées « Thrust ». La vive manipulation est pour elles un principe de base dans tous traitements. Le praticien se considère comme le « moteur de l’ajustement ».

Mon choix :

Le patient doit savoir réclamer en priorité la douceur. Ostéopathie à orientation « tissulaire », étiopathie, reboutement, thérapie normotensive, shiatsu, rolfing, usent majoritairement de manœuvres douces.

Nota :

Il est à noter qu’en raison de leur dangerosité, les manipulations du cou sont interdites aux non médecins, excepté sur prescription médicale. Hélas, bon nombre de praticiens passent outre cette exigence. Certains pêchent par excès, ils manipulent à tour de bras, or l’hypermobilisation est un outrage fait au corps. Dans mon Hôpital, les radiologues m’ont avoué que de trois à quatre fois pas an, des examens décèlent une grave lésion de l’artère vertébrale (celle qui irrigue le cerveau) après manipulation cervicale intempestive. Il n’y a qu’à multiplier ce chiffre par le nombre d’établissements au niveau national, pour obtenir un total effrayant d’accidents !

Un conseil : pour un même étage vertébral, il ne faut pas dépasser trois manipulations par an.

Question : peut-on manipuler sans risque le dos d’un enfant ?

On peut le faire, mais la prudence exige de n’intervenir qu’à partir de l’âge de quinze. Auparavant les raisons de le faire sont rarissimes. Il est à noter que c’est sans effet sur le pronostic des scolioses. Manipuler ne réduira ni le degré de courbure, ni la raideur (une scoliose rapidement évolutive, qui « flambe », doit être mise sous corset).



Ostéopathie

C’est une loi du 4 mars 2002 qui en a légalisé la pratique, suivie due décret N° 2007-435 du 25 mars 2007. Si la Haute Autorité de Santé exige de la médecine de n’user que de méthodes scientifiquement validées, l’ostéopathie a été reconnue sans preuves, ce qui fait grincer des dents bon nombre de médecins. De plus cette dernière établit un diagnostic, et malheureusement celui-ci contredit souvent celui du médecin. Ca créée des conflits. Parfois c’est l’ostéo qui a raison, parfois le toubib. Il faut reconnaître que cette vieille dame de plus de cent trente ans qu’est l’ostéopathie aurait besoin d’un dépoussiérage de fond qu’aucune école n’est prête à entreprendre (il en est de même pour les études de kiné). Quelques exemples à l’appui de ce nécessaire dépoussiérage :

Andrew J. Still, son inventeur (1828-1917), postulait que nombre de maladies proviennent de « déplacements vertébraux ». Faux ! Gageons qu’aujourd’hui avec les progrès de la science, ce brillant concepteur admettrait plutôt un « blocage segmentaire ». Certains ostéopathes affirment avec A. Sutherland, le « Monsieur + » de l’ostéopathie, qu’il y a mouvement possible au niveau des os du crâne. Oui, tant qu’il y a des fontanelles, ensuite il faut y aller au burin et à la perceuse ! D’ailleurs quand un anthropologue retrouve un crâne humain de plusieurs millions d’années, il est souvent intact (à part la mâchoire), preuve de sa solidité. Si les millénaires ne font pas bouger les os d’un crâne comment prétendre que des attouchements ostéopathiques d’une grande douceur peuvent modifier quelque chose en profondeur ? L’émission n’a pas évoqué le problème !

Citons également les lois de Fryette qui ont du plomb dans l’aile, l’expérimentation scientifique ayant démontré leur inefficacité. L’émission n’en a rien dit.

Il y a environ douze mille ostéopathes en France et presque douze mille méthodes différentes, chacun y mettant sa « patte ». Certains pratiquent même ce qu’ils nomment une « ostéopathie émotionnelle » : tout un programme ! Sachons faire le tri.

Nota :

Les ostéo non-médecins n’ont plus le droit d’effectuer de manipulations gynéco-obstétricales, ni de touchers pelviens. Les manipulations du cou, ou sur nourrissons de moins de six mois, ne peuvent être effectuées qu’après accord médical préalable.

  • Le Quotidien du Médecin 14-04-04.

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