Mal de dos chronique, l’absolue nécessité de traiter les « Trigger points »

La plupart des zones du système nerveux central sont impliquées dans le processus des douleurs, quelles qu’elles soient, et ne lui sont pas spécifiques, répondant à d’autres stimulations. Ainsi n’est-il jamais aisé de définir la cause exacte d’une douleur.
En ce qui concerne le mal de dos chronique commun, la véritable cause n’est connue que dans 5 % des cas. Par ailleurs il a été démontré que le psychique est autant affecté que le physique. Alors comment oser prétendre savoir le soigner efficacement ? Pas un mois cependant sans qu’un magazine de la presse grand public ne publie un article ventant des méthodes novatrices, ou beaucoup moins comme Ostéopathie et Chiropraxie, qui sont des médecines manuelles centenaires. Ces dernières donnent d’excellents résultats sur le court terme, et ont le tort d’avoir pour effet pervers de rendre le patient traité chronique et dépendant *.

En matière de méthode soi-disant novatrice, révolutionnaire, il y a eu dernièrement le traitement par « pace-maker lombaire » qui a fait l’objet d’un précédent billet dans ce blog. Pourquoi traité-je cette méthode de « soi-disant novatrice » ? Parce qu’il existe déjà depuis longtemps la « stimulation cordonale », la différence étant dans les zones stimulées électriquement. Dans le pace-maker lombaire on stimule la musculature, dans la stimulation cordonale, la périphérie de la moelle épinière.

Hélas les chiffres sont là, constants, troublants, au lieu de diminuer, ce mal a tendance à augmenter d’année en année. Il est la première cause mondiale d’arrêt de travail.

Trigger points (points gâchette), explication.

C’est la lecture d’un article dans Rhumatologie Pratique, la revue des médecins Rhumatologues, « Traitement des lombalgies chroniques : aurions-nous tout faux ? » D.-J.B. Septembre 2012 : N° 296, qui a agi en moi comme un déclic.
Il disait :
« …/… Les lombalgies sont liées en grande partie à l’incapacité des muscles de se relaxer, tout en permettant une hyperactivité des autres muscles du tronc parfois hypertrophiés de ce fait. ». De quoi parle-t-on ? Qu’est-ce qui est constamment dur, contracté, chez celui qui souffre de manière chronique du dos ? Que ce soit du bas ou du haut d’ailleurs. Cette sensation gênante fait parfois dire au patient : « la douleur aiguë n’est plus là, je vais beaucoup mieux. Je bouge normalement, mais je sens bien qu’il reste de petits points de tension dans mes muscles là où j’ai eu très mal. Et si je fais un « aux mouvement », un mouvement un peu brusque, je sais que je vais me bloquer de nouveau ! ».

Les « Trigger points » ou en Français « points gâchette », sont des sortes de tout petits nœuds durs, permanents, présents dans la musculature. Travell les a évoqués dans les années 50, et a cartographié tout le corps (voir sur Internet), avec quelques oublis néanmoins, il en existe une flopée. Quand on appuie sur ces points douloureux, on provoque l’irradiation ressentie lors des crises, ou parfois de longs trajets douloureux incompréhensibles. Ainsi, en appuyant sur le trapèze (muscle en relief entre cou et épaules), peut-on parfois susciter un fulgurant trajet douloureux ascendant, soit jusque au dessus de l’œil, soit jusque sur le bord latéral de la mâchoire du même côté, soit descendant vers le milieu du dos.

Il existe des théories pour les expliquer mais aucune certitude, et sans traitement approprié la personne en a de plus en plus. Elle ne « s’en sort pas ! ».

Très peu de professionnels de santé font de leur éradication, une priorité absolue.

Il existe des méthodes aux résultats inconstants :

- On peut masser fortement le point (avec le doigt ou un petit objet dur non traumatisant pour les tissus).
- En Ostéopathie on pratique la « mise en aisance ».
- On peut traiter par un froid intense localisé (cryothérapie).
- Faire du « dry needling », en piquant avec une aiguille d’acupuncture à usage unique.
- Le médecin peut pratiquer une infiltration.

Critique :
Le massage n’est efficace que s’il obéit à un protocole précis, tel que décrit ci-après. En Ostéopathie, le massage du point relève de la caresse. Insuffisant ! Piquer comme infiltrer, ont un effet positif, mais tout transitoire (quelques jours).

Traitement normotensif des Trigger points.

Voilà ma méthode.

Le thérapeute et le patient repèrent ensemble les points par pression très forte. Il est évident que lorsqu’on appuie fort quelque part sur le corps cela fait toujours mal, mais dès qu’on est sur un « trigger », c’est « exquis », fulgurant. On ne confond jamais !
En général, on en trouve une douzaine, ou plus. Sachant qu’il faudra les traiter tous. Chaque point nécessite environ une minute de traitement.

- Pour la zone lombaire, le sujet est en ventral, la jambe du côté à traiter en dehors de la table, reposant sur le genou du thérapeute qui est assis à côté (position de détente des muscles pelvitrochantériens).
- Pour le cou, l’épaule, le sujet est assis devant son thérapeute, lui-même assis.
- Pour les points de membre inférieur : position assise du patient en bord de table, pied ne touchant pas le sol.
- Pour le membre supérieur : sujet assis, détendu.

Le sujet doit se détendre en soufflant bien durant la séance bien que la pression soit très forte, très douloureuse, et de préférence légèrement vibrée (toucher déclenchant).

Le « test d’aggravation ».

S’il traite les lombaires, le thérapeute appuie très fort sur le point, et demande au patient si le point lui fait plus mal en flexion, ou en extension de hanche. Le thérapeute positionne ensuite le segment cuisse dans le sens où la douleur est la moins forte, et pose le genou du patient sur ses cuisses.
Pour le cou et la zone entre les omoplates, le patient tourne le tronc d’un côté puis de l’autre.
Pour les membres, l’articulation la plus proche est bougée en flexion-extension, et rotation (si l’articulation le permet). Tirer aussi en rotation axiale sur les segments de membres.

La « voie de passage ».

Patient détendu, il se laisse entièrement faire, ne contracte pas ses muscles, c’est le thérapeute qui la recherche.
Le thérapeute appuie très fortement sur le point en cherchant le positionnement qui permet un perception bien précise : sous le doigt, le Trigger s’amollit soudainement, il devient moins dur. Dès que l’opérateur à trouvé « sa voie », il y reste, ne change plus la position.

- Au niveau lombaire, avec la main qui n’appuie pas sur le Trigger, l’opérateur tire l’aile iliaque (l’os latéral du bassin) vers le bas et en dehors.
- Pour la zone dorsale (zone des omoplates, à partir de la première vertèbre dorsale), il joue sur de très légères rotations du tronc.
- Pour les Trigger du cou (segment supérieur), le thérapeute, toujours derrière son patient, appuie sur les deux côtés du cou en même temps, en légère traction de la tête (en la tirant ver le haut) sans jamais aucune rotation axiale.
- Pour les membres il tourne le segment de membre concerné sur son axe longitudinal.

L’«effet motte de beurre ».

Soudain, après une minute environ, le point ne fait plus mal du tout, et le doigt du thérapeute s’enfonce un peu comme dans du beurre, sur un ou deux millimètres, pas plus.

Nombre des séances :

Deux fois par semaine au début, puis une fois. Les bienfaits sont ressentis dès la première ou la deuxième séance. Ensuite, il faudra peut-être dix, vingt, trente séances. Mais comme le traitement est sans risque, on peut le renouveler à volonté, et le patient trouve lui même souvent entre deux séances, de nouveaux points à traiter.

Conclusion :

Il est évident que pour soigner un mal de dos chronique, ce traitement à lui seul ne suffit pas. Les livres que j’ai écrit sur le sujet, ainsi que de nombreux billets sur ce blog, en témoignent, et vous donneront l’indispensable complément d’informations. Seulement il doit être systématiquement entrepris, à chaque séance, et donne des résultats remarquables.

  • Estrade J-L. Mais qu’est-ce qui marche dans les sciatiques ? Kinésithérapie Rev. 2007 ; (72) : 4-14.

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